C'était hier soir, mon hôte onusien, néanmoins compatriote et ami, me proposa d'aller boire un pot. Le bistrot choisi, je demandai au tenancier sa bière suisse préférée. « Je n'en ai aucune. Par contre j'ai quelques belges excellentes ! » B'hein tiens tu m'étonnes. Mon choix se porta donc sur une ambrée au verre pas banal.
A première vue cette cité, plus petite que je ne l'imaginais (à peine plus grande que ma chère cité ardente) est une ville sans accroc, proprette et bien tenue. Cela n'empêche pourtant pas une liste locale pour les élections à venir de clamer sans détours : « Stop aux cambrioleurs , dealers, voleurs, mendiants ! » Hormis le fait que j'aimerais comprendre la nuance qu'ils font entre la première et la troisième de ces catégories il faut avouer que le centre de cette ancienne république – les genevois ont fièrement défendu leur indépendance pendant trois siècles face aux Ducs de Savoie – dégage un parfum particulier qui pousse, de toute évidence à la cleptomanie. Celle qui a fait la renommée de Calvin compte au bord de son lac, à l'eau translucide, des dizaines de majestueux immeubles, hommages architecturaux à la gloire d'institutions financières, probablement parmi les plus grands voleurs de notre temps1. Se promener sur les berges c'est assister à un salon de l'auto en plein air et qui durerait toute l'année. Des gars parfois pas plus âgés que moi se trimbalent à bord des derniers modèles d'audi, mercedes, porsche, maseratti, bentley et compagnie.
Je sais, j'entends d'ici certains proches me dire : « Mais, enfin, Thomas, arrête de considérer tout le temps que la richesse est quelque chose de négatif. Il n'y a rien de mal à être riche, voyons ! » Pourtant, c'est plus fort que moi ça me turlupine. Je partagerais volontiers ce point de vue assez répandu à quelques cyprès, non je veux dire à quelques « si » prêt. Si, la prospérité économique de cet 'entre montagnes' n'était le fruit que des indegnables talents chocolatiers et fromagers de ses habitants. Si, une part des lingots de cette contrée ne provenaient de la malencontrueuse disparition de milliers de riches lecteurs de la Torah et de leurs héritiers. Si, sa vocation de neutralité et discrétion ne lui permettait pas d'accueillir dans ses coffres, aujourd'hui encore, toutes sortes de sommes à l'odeur et la couleur plus que douteuses. Si, certaines entreprises ne faisaient pas leur beurre (ou plutôt leur or, au sens propre) sur le dos de paysans latino-américains et africains. Si, sur chaque chantier la langue pratiquée n'était pas celle de Ronaldo. Pas que cela me dérange bien au contraire. Le hic c'est que ses compatriotes ont fui la déroute économique du pays du fado pour courber l'échine des années durant espérant un jour retrouver la convivialité de leurs terres natales. Si, dans les parcs ne passaient pas leurs nuits allongés sur l'herbe de jeunes hommes dont le tein de peau laisse penser qu'il ne doivent pas faire partie de l'arbre généalogique de Federer. Si...si...si... Avec des « si « on met Paris en bouteille et Genève en flacon.
Je ne connais que bien peu de choses sur les influences, les connections et le passé des habitants de cette confédération helvétique dont les mérites sont à n'en pas douter nombreux mais mon petit doigt me dit que tout n'y est pas aussi rose qu'il n'y parait. Genève, elle, a, en tout cas, des kwaks et de couacs j'en mets ma main à couper !
(Berges du lac Léman, 27-09-13)